Выбери любимый жанр

Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 37


Изменить размер шрифта:

37

Catherine saisit la main ridee du vieil homme et la porta a ses levres. Elle etait moite de larmes, mais, entre les siennes, elle la sentit fremir.

Je le jure ! dit-elle. Nul ne saura jamais ! Merci pour moi, pour Sara et aussi pour mon enfant qui, grace a vous, naitra libre. Je n'oublierai pas !

Il l'interrompit d'un geste brusque.

— Si ! justement ! Il faut oublier... nous oublier au plus vite-! Notre maison est desormais maudite et s'en va vers son declin. Vous, dame Catherine, il vous faut suivre votre chemin qui s'ecarte du notre a tout jamais. Tachez d'etre heureuse!

Avant qu'elle ait pu repondre, Jean de Craon s'etait fondu dans la nuit. Les deux femmes frissonnantes percurent le bruit leger de ses pas qui s'eloignaient vers la foret. Aupres d'elles, les chevaux grattaient la terre d'un sabot impatient.

Catherine crispa sa main sur la bague qu'elle avait passee a son index droit comme pour y chercher le courage de franchir le pont garde. Elle leva la tete vers le ciel ou couraient les nuages. Le cri lugubre d'un engoulevent eveilla les echos endormis. Elle fixa son ballot a la selle de Morgane dont elle flatta doucement l'encolure et qui hennit sous sa caresse.

— La... la... ma belle ! Nous allons partir tout de suite... Reste tranquille !

Pour Sara, le vieux sire avait choisi un cheval paisible et vigoureux, capable de porter aisement le poids deja respectable de la bohemienne. C'etait une brave bete sans malice et douee d'une grande placidite qui repondait au nom sans eclat de Rustaud. La mauvaise jambe du vieux Craon expliquait largement, aux yeux du gardien d'ecurie, le choix de cet animal, robuste mais depourvu du prestige des fougueux destriers.

Non sans peine, Catherine, qui commencait a sentir sa fatigue, parvint a hisser Sara sur Rustaud puis escalada Morgane qui faisait decidement preuve, cette nuit- la, d'une exceptionnelle bonne humeur.

— Ca va ? demanda-t-elle tout bas a Sara.

— Ca va, repondit l'autre, mais j'ai hate d'etre de l'autre cote de l'eau...

Lentement, au pas de leur monture, elles quitterent l'abri de l'eglise, descendant vers le fleuve. La nuit tirait a sa fin et, bien que le jour fut encore assez eloigne, bientot, la cloche de l'eglise s'ebranlerait pour appeler les fideles a l'office nocturne qui marque le debut du jour des Trepasses. Mais deja la tourelle de garde du pont etait la. Hardiment, Catherine poussa Morgane jusqu'a la chaine, tendue pour la nuit, et appela :

— Hola ! L'homme de garde !

A l'interieur, il y eut un grognement de mauvaise humeur. Puis la porte s'ouvrit liberant la lueur d'une grosse chandelle au poing d'un soldat mal reveille qui considera Catherine avec des yeux clignotants.

— Ouvre ! ordonna-t-elle. Je dois passer ! Ordre de monseigneur Jean de Craon !

L'air froid, sans doute, avait suffisamment reveille l'homme pour qu'il examinat Catherine avec plus d'attention.

— Qu'est-ce que monseigneur Jean peut bien envoyer faire a une femme de l'autre cote de ce pont ? Qui etes-vous ? Et l'autre, la, qui c'est ? Votre suivante ?

— Cela ne te regarde pas, maraud ! Je t'ai dit d'ouvrir, ouvre ! Regarde ceci, puisque tu ne me crois pas, et souviens-toi que chaque minute de retard apportee a mon voyage se traduira sur ton dos en coups d'etriviere.

D'un geste hautain, elle mit sa main droite sous le nez de l'homme afin qu'il put bien voir le cachet de sardoine. Confus, il recula, enfonca son casque sur sa tete et se hata d'aller soulever la chaine.

— Excusez, noble dame, mais vous comprendrez que je suis oblige a quelque mefiance. Mon poste est un poste de confiance et...

— Je sais. Bonne nuit a toi !

Elle passa, Sara sur ses talons. Les planches du pont resonnerent, sous les petits sabots de Morgane, mais le bras de Loire n'etait pas large et, bientot, ce fut la terre dure d'un chemin qu'ils foulerent allegrement.

La poitrine de Catherine se degonfla d'un enorme soupir.

— Plus vite !... Il nous faut aller plus vite, dit-elle en mettant sa jument au trot.

La langue de terre qui s'allongeait entre les deux bras du fleuve fut rapidement franchie et, bientot, on fut au bac du passeur qui, seul, assurait la liaison avec le port de Montjean, a travers la plus large partie de la Loire. Une cabane en rondins servait d'abri au nautonier, edifiee sur la prairie en haut de la greve. Catherine constata avec plaisir que la grande barque plate etait tout justement amarree de ce cote-la. Entrer dans la cabane, eveiller le bonhomme, fut l'affaire d'un instant.

— Vite ! dit-elle. Il nous faut passer, ma servante, mes chevaux et moi. Je dois voir le senechal de Montjean, Martin Berlot, le plus vite possible.

— Mais, Dame... a cette heure, le chateau est ferme. Vous n'entrerez pas dans Montjean.

Comme il finissait de parler, la cloche de l'eglise de Champtoce commenca de sonner en glas. Les sons lugubres s'egrenerent sinistrement dans la nuit humide. Un instant plus tard, celle de Montjean, au timbre plus aigre, lui repondit au-dela de l'eau noire. Sur les nerfs trop tendus de Catherine, le tintement funebre passa comme une rape. Elle faillit crier.

Cela voulait dire qu'il etait pres de cinq heures, que, dans le chateau de Gilles de Rais, on allait bientot s'eveiller, s'apercevoir de leur fuite. Et tant qu'elles n'auraient pas franchi la Loire, il etait encore possible de les reprendre. De ce cote-ci, sur la langue de terre, elles etaient toujours sur les domaines de leur bourreau. L'ombre menacante du bucher repassa devant les yeux de Catherine.

— Il est cinq heures, dit-elle. Les gens de Champtoce vont se rendre a l'eglise comme ceux de Montjean. Tu peux nous passer, bonhomme. Les villes ouvrent plus tot ce matin. C'est le jour des Morts. Et puis...

Elle fouilla dans sa bourse, en tira une piece d'or qu'elle fit luire a la lueur fumeuse du quinquet brulant a l'interieur de la cabane.

— Tiens, acheva-t-elle en mettant la piece dans la main calleuse. C'est pour toi. Mais, pour Dieu, fais vite !

Des pieces d'or, le passeur savait bien qu'il en existait, mais il n'en avait jamais vu de pres. Pareille aubaine etait trop inesperee pour qu'il resistat. Endossant une veste sans manches en peau de mouton, il descendit vers le bac.

— Ils se tiendront tranquilles, vos chevaux ?

— J'en reponds... Va toujours ! repondit Catherine, les yeux sur la tour de guette du chateau.

Quelques instants plus tard, la grande barque plate quittait le bord, et Catherine, les brides des deux chevaux reunies dans sa main, regardait s'elargir le ruban d'eau sombre entre le bordage et la rive. Le fleuve etait gros, mais relativement paisible, et l'homme maniait vigoureusement sa longue perche. Sara, a bout de forces, s'etait laissee tomber a terre, les genoux replies, entre les jambes des chevaux.

Comme on en arrivait a l'heure qui precede le lever du jour, la nuit se chargeait de brouillard et semblait se faire plus opaque encore. Un instant, la jeune femme craignit que le passeur ne derivat de sa route, mais il avait pour lui la longue habitude et connaissait le fleuve comme sa barque elle-meme. Au bout d'un moment qui parut interminable aux deux fugitives, des silhouettes de navires se degagerent de l'ombre, des mats depouilles aux voiles ferlees, les fleches des huniers noirs et la tour trapue d'une eglise, les angles durs des toits de Montjean. Un petit chateau aux tours crenelees gardait le port fluvial. Quelque part, un coq chanta. Puis il y eut le clapotis de l'eau contre un quai de pierre. Un escalier sortit de la nuit aupres d'un gros anneau rouille.

— Voila, fit le passeur. Vous etes arrivees.

Une heure plus tard, dans le logis du senechal de Montjean, Catherine et Gauthier tenaient conseil autour d'une table garnie. Sara, epuisee par les privations et l'angoisse des dernieres heures, s'etait endormie sur un banc devant le feu, d'un sommeil lourd. Parfois, un leger ronflement rappelait sa presence. Pardessus la table chargee de viande froide, de pain et de fromage, Gauthier, une lueur de joie melee d'inquietude dans ses yeux clairs, regardait Catherine. La fatigue s'imprimait durement sur le visage de la jeune femme. De larges cernes bleuatres marquaient ses yeux, deux plis de lassitude se dessinaient aux coins de sa bouche et son teint pale avait des reflets de cire sous la lumiere des chandelles.

37
Перейти на страницу:

Вы читаете книгу


Бенцони Жюльетта - Belle Catherine Belle Catherine
Мир литературы

Жанры

Фантастика и фэнтези

Детективы и триллеры

Проза

Любовные романы

Приключения

Детские

Поэзия и драматургия

Старинная литература

Научно-образовательная

Компьютеры и интернет

Справочная литература

Документальная литература

Религия и духовность

Юмор

Дом и семья

Деловая литература

Жанр не определен

Техника

Прочее

Драматургия

Фольклор

Военное дело