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Les Essais – Livre I - Montaigne Michel de - Страница 51


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victoria nulla est

Quam quæ confessos animo quoque subjugat hostes .

Les Hongres tres-belliqueux combattants, ne poursuivoient jadis leur pointe outre avoir rendu l'ennemy à leur mercy. Car en ayant arraché cette confession, ils le laissoyent aller sans offense, sans rançon; sauf pour le plus d'en tirer parole de ne s'armer des lors en avant contre eux.

Assez d'avantages gaignons nous sur nos ennemis, qui sont avantages empruntez, non pas nostres: C'est la qualité d'un porte-faix, non de la vertu, d'avoir les bras et les jambes plus roides: c'est une qualité morte et corporelle, que la disposition: c'est un coup de la fortune, de faire broncher nostre ennemy, et de luy esblouyr les yeux par la lumiere du Soleil: c'est un tour d'art et de science, et qui peut tomber en une personne lasche et de neant, d'estre suffisant à l'escrime. L'estimation et le prix d'un homme consiste au coeur et en la volonté: c'est là ou gist son vray honneur: la vaillance c'est la fermeté, non pas des jambes et des bras, mais du courage et de l'ame: elle ne consiste pas en la valeur de nostre cheval, ny de noz armes, mais en la nostre. Celuy qui tombe obstiné en son courage, si succiderit, de genu pugnat . Qui pour quelque danger de la mort voisine, ne relasche aucun point de son asseurance, qui regarde encores en rendant l'ame, son ennemy d'une veuë ferme et desdaigneuse, il est battu, non pas de nous, mais de la fortune: il est tué, non pas vaincu: les plus vaillans sont par fois les plus infortunez.

Aussi y a-il des pertes triomphantes à l'envi des victoires. Ny ces quatre victoires soeurs, les plus belles que le Soleil aye onques veu de ses yeux, de Salamine, de Platées, de Mycale, de Sicile, n'oserent onques opposer toute leur gloire ensemble, à la gloire de la desconfiture du Roy Leonidas et des siens au pas de Thermopyles.

Qui courut jamais d'une plus glorieuse envie, et plus ambitieuse au gain du combat, que le capitaine Ischolas à la perte? Qui plus ingenieusement et curieusement s'est asseuré de son salut, que luy de sa ruine? Il estoit commis à deffendre certain passage du Peloponnese, contre les Arcadiens; pour quoy faire, se trouvant du tout incapable, veu la nature du lieu, et inegalité des forces: et se resolvant que tout ce qui se presenteroit aux ennemis, auroit de necessité à y demeurer: D'autre part, estimant indigne et de sa propre vertu et magnanimité, et du non Lacedemonien, de faillir à sa charge: il print entre ces deux extremités, un moyen party, de telle sorte: Les plus jeunes et dispos de sa troupe, il les conserva à la tuition et service de leur païs, et les y renvoya: et avec ceux desquels le defaut estoit moindre, il delibera de soustenir ce pas: et par leur mort en faire achetter aux ennemis l'entrée la plus chere, qu'il luy seroit possible: comme il advint. Car estant tantost environné de toutes parts par les Arcadiens: apres en avoir faict une grande boucherie, luy et les siens furent touts mis au fil de l'espée. Est-il quelque trophée assigné pour les veincueurs, qui ne soit mieux deu à ces veincus? Le vray veincre a pour son roolle l'estour, non pas le salut: et consiste l'honneur de la vertu, à combattre, non à battre.

Pour revenir à nostre histoire, il s'en faut tant que ces prisonniers se rendent, pour tout ce qu'on leur fait, qu'au rebours pendant ces deux ou trois mois qu'on les garde, ils portent une contenance gaye, ils pressent leurs maistres de se haster de les mettre en cette espreuve, ils les deffient, les injurient, leur reprochent leur lascheté, et le nombre des battailles perduës contre les leurs. J'ay une chanson faicte par un prisonnier, où il y a ce traict: Qu'ils viennent hardiment trétous, et s'assemblent pour disner de luy, car ils mangeront quant et quant leurs peres et leurs ayeulx, qui ont servy d'aliment et de nourriture à son corps: ces muscles, dit-il, cette chair et ces veines, ce sont les vostres, pauvres fols que vous estes: vous ne recognoissez pas que la substance des membres de vos ancestres s'y tient encore: savourez les bien, vous y trouverez le goust de vostre propre chair: invention, qui ne sent aucunement la barbarie. Ceux qui les peignent mourans, et qui representent cette action quand on les assomme, ils peignent le prisonnier, crachant au visage de ceux qui le tuent, et leur faisant la mouë. De vray ils ne cessent jusques au dernier souspir, de les braver et deffier de parole et de contenance. Sans mentir, au prix de nous, voila des hommes bien sauvages: car ou il faut qu'ils le soyent bien à bon escient, ou que nous le soyons: il y a une merveilleuse distance entre leur forme et la nostre.

Les hommes y ont plusieurs femmes, et en ont d'autant plus grand nombre, qu'ils sont en meilleure reputation de vaillance: C'est une beauté remarquable en leurs mariages, que la mesme jalousie que nos femmes ont pour nous empescher de l'amitié et bienvueillance d'autres femmes, les leurs l'ont toute pareille pour la leur acquerir. Estans plus soigneuses de l'honneur de leurs maris, que de toute autre chose, elles cherchent et mettent leur solicitude à avoir le plus de compagnes qu'elles peuvent, d'autant que c'est un tesmoignage de la vertu du mary.

Les nostres crieront au miracle: ce ne l'est pas. C'est une vertu proprement matrimoniale: mais du plus haut estage. Et en la Bible, Lea, Rachel, Sara et les femmes de Jacob fournirent leurs belles servantes à leurs maris, et Livia seconda les appetits d'Auguste, à son interest: et la femme du Roy Dejotarus Stratonique, presta non seulement à l'usage de son mary, une fort belle jeune fille de chambre, qui la servoit, mais en nourrit soigneusement les enfants: et leur feit espaule à succeder aux estats de leur pere.

Et afin qu'on ne pense point que tout cecy se face par une simple et servile obligation à leur usance, et par l'impression de l'authorité de leur ancienne coustume, sans discours et sans jugement, et pour avoir l'ame si stupide, que de ne pouvoir prendre autre party, il faut alleguer quelques traits de leur suffisance. Outre celuy que je vien de reciter de l'une de leurs chansons guerrieres, j'en ay un'autre amoureuse, qui commence en ce sens: «Couleuvre arreste toy, arreste toy couleuvre, afin que ma soeur tire sur le patron de ta peinture, la façon et l'ouvrage d'un riche cordon, que je puisse donner à m'amie: ainsi soit en tout temps ta beauté et ta disposition preferée à tous les autres serpens.»

Ce premier couplet, c'est le refrein de la chanson. Or j'ay assez de commerce avec la poësie pour juger cecy, que non seulement il n'y a rien de barbarie en cette imagination, mais qu'elle est tout à faict Anacreontique. Leur langage au demeurant, c'est un langage doux, et qui a le son aggreable, retirant aux terminaisons Grecques.

Trois d'entre eux, ignorans combien couttera un jour à leur repos, et à leur bon heur, la cognoissance des corruptions de deçà, et que de ce commerce naistra leur ruine, comme je presuppose qu'elle soit des-ja avancée (bien miserables de s'estre laissez pipper au desir de la nouvelleté, et avoir quitté la douceur de leur ciel, pour venir voir le nostre) furent à Roüan, du temps que le feu Roy Charles neufiesme y estoit: le Roy parla à eux long temps, on leur fit voir nostre façon, nostre pompe, la forme d'une belle ville: apres cela, quelqu'un en demanda leur advis, et voulut sçavoir d'eux, ce qu'ils y avoient trouvé de plus admirable: ils respondirent trois choses, dont j'ay perdu la troisiesme, et en suis bien marry; mais j'en ay encore deux en memoire. Ils dirent qu'ils trouvoient en premier lieu fort estrange, que tant de grands hommes portans barbe, forts et armez, qui estoient autour du Roy (il est vray-semblable qu'ils parloient des Suisses de sa garde) se soubmissent à obeir à un enfant, et qu'on ne choisissoit plustost quelqu'un d'entre eux pour commander: Secondement (ils ont une façon de leur langage telle qu'ils nomment les hommes, moitié les uns des autres) qu'ils avoyent apperceu qu'il y avoit parmy nous des hommes pleins et gorgez de toutes sortes de commoditez, et que leurs moitiez estoient mendians à leurs portes, décharnez de faim et de pauvreté; et trouvoient estrange comme ces moitiez icy necessiteuses, pouvoient souffrir une telle injustice, qu'ils ne prinsent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons.

Je parlay à l'un d'eux fort long temps, mais j'avois un truchement qui me suivoit si mal, et qui estoit si empesché à recevoir mes imaginations par sa bestise, que je n'en peus tirer rien qui vaille. Sur ce que je luy demanday quel fruit il recevoit de la superiorité qu'il avoit parmy les siens (car c'estoit un Capitaine, et noz matelots le nommoient Roy) il me dit, que c'estoit, marcher le premier à la guerre: De combien d'hommes il estoit suivy; il me montra une espace de lieu, pour signifier que c'estoit autant qu'il en pourroit en une telle espace, ce pouvoit estre quatre ou cinq mille hommes: Si hors la guerre toute son authorité estoit expirée; il dit qu'il luy en restoit cela, que quand il visitoit les villages qui dépendoient de luy, on luy dressoit des sentiers au travers des hayes de leurs bois, par où il peust passer bien à l'aise.

Tout cela ne va pas trop mal: mais quoy? ils ne portent point de haut de chausses.

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