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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 13


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Dans le vestibule, elle rencontra Tiercelin qui surveillait l'entree d'un gros coffre cloute de fer.

— Mon epoux m'a-t-il demandee ? fit-elle en otant le voile de ses cheveux.

Le majordome salua profondement et secoua la tete.

— Pas que je sache, Madame. Messire Garin est monte directement a son appartement. Je ne l'ai pas encore vu redescendre.

— Il y a longtemps qu'il est arrive ?

— Une heure environ. Madame veut-elle que je le fasse prevenir ?

— Non, c'est inutile. Je prefere prendre le temps de changer de toilette.

Messire Garin n'aime guere les robes trop simples... ajouta-t-elle avec un sourire en designant la robe de legere soie blanche qu'elle portait ce matin-la sur une sous-jupe vert feuille.

Rapidement, elle escalada les marches de pierre qui menaient a sa chambre, Perrine sur les talons.

— Viens vite me changer...

Mais, en entrant dans la chambre de Catherine, les deux femmes pousserent un cri de saisissement. La chambre etait transformee en quelque chose de magique et de dementiel, une sorte de caverne d'Ali Baba. Tous les meubles avaient disparu sous un amoncellement prodigieux de tissus merveilleux. Ce n'etaient, sur les fauteuils, les coffres, les tabourets et les credences, que flots de brocarts de toutes couleurs, moires d'or, givres d'argent, brodes de pierres scintillantes, se deversant en une orgie fantastique de couleurs. Tombant du baldaquin, une cascade de blanches dentelles flamandes, de Bruges, de Malines, de Bruxelles, jetait sur tant de couleur sa neigeuse avalanche. Au milieu de la piece, un gros coffre d'argent, grand ouvert, montrait des flacons d'or, de cristal, de jade et de cornaline qui emplissaient l'air d'un grisant melange de parfums...

Medusee, Catherine s'avanca au milieu de l'extraordinaire floraison soyeuse. Perrine, elle, etait restee clouee au seuil de la porte, mains jointes et bouche bee. Catherine, en se tournant vers elle, la vit soudain plonger dans une profonde reverence et comprit que Garin approchait. Quelque chose trembla en elle, mais elle fit un effort pour se dominer, avala sa salive et, serrant ses mains sur le cuir dore de son missel, fit face a la porte, bien droite, attendant.

L'instant suivant, Perrine s'etait esquivee et Garin etait la, sans que Catherine ait pu percevoir son pas dans la galerie. Suivant son habitude, il s'arreta dans le cadre de la porte, regardant sa femme sans faire un seul geste. Pour une fois, il etait vetu de violet fonce que relevait a peine une mince guirlande d'argent au bord de son pourpoint et de ses manches. Tete nue, il montrait sa courte calotte de cheveux noirs, touches d'argent vers les tempes. Il n'avait pas encore pris le temps de changer de vetements. Sa tunique montrait ses longues jambes musclees et ses bottes de cheval etaient couvertes de poussiere. Les traits de son visage maigre etaient immobiles.

Jamais il n'avait tant ressemble a une statue. Il se contentait de regarder Catherine.

Soudain, un leger sourire vint eclairer son visage sombre. D'un geste circulaire, il designa le delirant decor de tissus.

— Aimez-vous votre chambre ainsi ?

— C'est... c'est merveilleux. Mais, Garin, pourquoi tout cela ?

Il quitta enfin le chambranle de la porte, s'avanca lentement vers elle et posa ses mains sur les epaules de la jeune femme.

— Quelque chose me disait que je vous devais une reparation. Ceci est un tribut paye a ma victime, l'hommage que vous offre le remords... Et aussi, cela vous montrera que j'ai pense a vous...

Tranquillement, sans emotion apparente, il l'approchait de lui, posait un baiser sur son front puis se detournait.

— Le remords ? fit Catherine. C'est un curieux mot dans votre bouche...

— Pourquoi donc ? C'est le mot exact. Je vous ai accusee a tort et je l'ai regrette. J'ai appris, en effet, que vous aviez passe la nuit chez Monseigneur... en toute tranquillite d'ailleurs.

Le detachement du ton qu'il employait irrita la jeune femme.

— Puis-je vous demander qui vous a si bien renseigne ?

— Qui voulez-vous que ce soit, sinon le duc lui- meme ? Il m'a dit qu'il vous avait offert l'hospitalite... en tout bien tout honneur. Ma colere etait donc injustifiee. Je vous croyais chez un autre et, encore une fois, je vous demande pardon.

— Pourtant, on m'avait vue entrer chez cet autre, n'est-il pas vrai ? Qui vous dit que vous aviez tellement tort ? lanca nerveusement Catherine.

Sa colere montait de seconde en seconde. Plus que jamais elle se sentait humiliee, ravalee au rang d'objet de luxe par ce detachement avec lequel Philippe et son argentier discutaient du marche passe entre eux. Garin se mit a rire et haussa les epaules.

Personne, si ce n'est le bon sens... et les dernieres nouvelles. Je doute que, prisonnier de vos charmes, le seigneur de Montsalvy agisse comme il le fait en ce moment.

— Que voulez-vous dire ? On m'avait dit qu'il etait tombe aux mains des Anglais a la bataille de Cravant. La duchesse Marguerite nous a lu la liste des prisonniers.

— Il etait captif, en effet, mais le roi Charles l'a rachete avec un autre seigneur... cet Auvergnat roux qui a un si effroyable accent. Non, je parle de son prochain mariage...

— Quoi ?

Garin affecta de ne pas remarquer la violence avec laquelle Catherine avait jete le mot. Il avait pris entre ses mains une piece de satin raye vert amande et mauve tendre qu'il faisait chatoyer dans la lumiere du soleil. Sans regarder sa femme, il ajouta ignorant l'interruption :

— ... avec Isabelle de Severac, la fille du marechal. Cette union etait, a ce que l'on dit, projetee depuis quelque temps. Les futurs epoux sont fort epris l'un de l'autre.... a ce qu'il parait.

Catherine enfonca ses ongles dans la paume de ses mains pour ne pas se mettre a hurler. La douleur qui la traversait etait atroce. Elle devait faire un effort desespere pour ne pas laisser voir a Garin le mal qu'en quelques mots il venait de lui faire. D'une voix blanche, elle demanda :

— De qui tenez-vous ces nouvelles ? Je ne savais pas qu'en Bourgogne ou a Paris l'on s'occupait si activement de la Cour du roi Charles.

— Mon Dieu si !... Quand l'union est de cette importance. Elle interesse toute la noblesse quand deux familles aussi anciennes et aussi fameuses s'allient. Par ailleurs, je tiens la nouvelle de notre bailli d'Amiens, Louis de Scorailles qui est parent des Montsalvy. Le mariage etait prevu pour la Noel...

comme fut le notre. Mais l'impatience des fiances ne leur permet pas d'attendre jusque-la. Les noces doivent avoir lieu a Bourges d'ici un mois...

Voila, je pense, de bonnes nouvelles aussi bien pour vous que pour moi.

Quand on a de l'amitie pour quelqu'un... comme vous pour le jeune Montsalvy, on est toujours heureux de partager son bonheur. Pour moi, la nouvelle est bonne aussi, bien entendu, car elle me rassure... tout en me faisant sentir combien j'ai ete injuste envers vous. M'avez-vous pardonne ?

Il se rapprochait de sa femme et prenait sa main dans les siennes en se penchant pour scruter son visage. Catherine forca ses levres a un pale sourire.

— Bien sur... je vous ai pardonne. N'en ayez pas souci. Et je vous remercie egalement pour toutes ces merveilles.

— J'ai pense, fit Garin en posant un baiser leger sur la main froide qu'il tenait, que vous auriez besoin de nouvelles toilettes pour les noces qui se preparent. Faites-vous belle... tres belle ! Je suis fier lorsque l'on vous admire.

Les compliments etaient rares, venant de Garin. Catherine s'obligea a un nouveau sourire. Elle avait la mort dans l'ame, mais l'orgueil la soutenait.

Pour rien au monde elle ne voulait que Garin sentit son desespoir. Peut-etre parce qu'elle avait cru saisir, dans l'acuite de son regard pose sur son visage, qu'il esperait une reaction de desespoir... Pour se donner une contenance, elle se mit a examiner les dentelles qu'il avait apportees. Cela lui permettait de garder les yeux baisses. Ses yeux ou elle sentait monter des larmes.

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