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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 3


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— Il courait a elle, l'empoignait pour la remettre de force sur ses pieds, la secouait comme prunier en aout, saisi d'une frenesie faite a la fois de joie et de colere. La colere, c'etait son etat normal. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, La Hire etouffait de rage, fulminait d'exasperation, trepignait de fureur. Sa voix dominait les grondements des bombardes, son courroux faisait trembler les murailles. Il etait la tempete, l'ouragan, la force brutale la plus pure, mais, pour ceux qu'il aimait, La Hire, le redoutable, avait une ame d'enfant. Il ecumait deja, toute bile dehors, parce que Catherine ne repondait pas assez vite a ses questions. Mais, entre ses mains, la jeune femme s'abandonnait, videe de force comme une poupee de son. Deux mots du capitaine l'avaient foudroyee : « Et Montsalvy ?... » Ainsi, lui non plus ne savait pas ou etait Arnaud...

Une vague de douleur monta des entrailles de Catherine, s'enfla dans sa gorge, l'etrangla a demi. La Hire hurlait, hors de lui : Bon Dieu !... Allez-vous repondre ? Vous voyez bien que j'en creve...

Ce fut son c?ur, a elle, qui creva. Avec un cri de douleur, elle s'abattit sur la cotte d'acier du capitaine et se mit a sangloter si violemment qu'il demeura tout bete. La Hire, desempare, ne savait plus que faire de cette femme en larmes.

Tout autour de lui, ses hommes regardaient, certains en dissimulant mal un sourire. La Hire consolant une femme, voila qui etait nouveau !

Renoncant a poursuivre le dialogue au grand jour, le capitaine entoura Catherine d'un bras et l'entraina vers son logis, mais, avant d'en franchir le seuil, il lanca, par-dessus son epaule :

— He, Ferrant ! Va-t'en jusqu'au couvent des Bernardines et dis a la touriere qu'elle m'envoie la femme nommee Sara...

Un sergent se detacha de la compagnie deja rangee en ordre et disparut sous l'ogive de la voute. Pendant ce temps, La Hire refermait sur lui et sa compagne l'epaisse porte herissee de clous, conduisait Catherine a un banc garni de coussins et la faisait asseoir.

— Je vais vous faire donner a manger, dit-il avec une douceur parfaitement inusitee chez lui. Il me semble que vous en avez besoin. Mais, pour l'amour de Dieu, parlez ! Qu'est-il arrive ? Que s'est-il passe ? On a dit, ici, que Jehanne avait ete condamnee a la prison perpetuelle, que...

Catherine fit un violent effort sur elle-meme, essuya ses yeux a sa manche et, sans regarder La Hire, murmura :

— Jehanne est morte ! Avant-hier, les Anglais l'ont brulee et ses cendres ont ete jetees a la Seine... Juste avant que l'on nous y jetat nous-memes, Arnaud et moi, cousus dans le meme sac de cuir !

La peau tannee de La Hire verdit brusquement sous le chaume gris et ras de ses cheveux.

— Brulee !... comme une sorciere ! Les miserables ! Et Arnaud est au fond de l'eau...

— Non, puisque j'en suis sortie, comme vous voyez.

En quelques mots, Catherine raconta les derniers jours de leur sejour a Rouen, la tentative d'enlevement de Jehanne, leur arrestation et leur emprisonnement au chateau de Rouen, enfin leur execution et comment le courage de Jean Son les avait arraches a la mort. Elle dit aussi la fuite dans la nuit, a bord de la barque, son reveil et l'inexplicable disparition d'Arnaud.

— Nulle part, je n'ai trouve trace de lui, pas meme dans cette maison ravagee. C'est comme s'il s'etait, soudainement, evanoui dans l'air.

— Un Montsalvy ne s'evanouit pas dans l'air comme une simple fumee, grogna La Hire. S'il etait mort, vous auriez trouve son cadavre... et d'ailleurs, il n'est pas mort. Je le sens, acheva-t-il en frappant sa poitrine d'un enorme poing gante de fer.

— Pourquoi ? fit Catherine avec un peu d'aigreur. Je ne vous aurais pas cru aussi sensitif, Messire.

— Arnaud est mon frere d'armes, repliqua le capitaine non sans grandeur. S'il ne respirait plus sous notre ciel, il y a quelque chose en moi qui me l'aurait dit. De meme pour Xaintrailles. Montsalvy est vivant, j'en jurerais.

— Vous voulez dire, en ce cas, qu'il m'a abandonnee froidement ? Que c'est de son plein gre qu'il est parti ?

La patience de La Hire avait ete, jusque-la, beaucoup trop longue. Sa figure s'empourpra en meme temps que son caractere emporte reprenait le dessus.

— Vous etes idiote ou quoi ? Qui a dit qu'il vous avait abandonnee ? C'est un chevalier, espece de dinde bornee ! Il n'abandonnerait pas une femme seule au milieu d'une campagne ravagee et sillonnee par l'ennemi. Il lui est arrive quelque chose, c'est sur ! S'agit de trouver quoi. C'est ce que je vais faire, et tout de suite. Quant a vous, au lieu de rester la comme une souche...

Une voix nonchalante et froide, venue du fond de la salle, interrompit la furieuse diatribe du capitaine.

— Est-ce que vous n'oubliez pas un peu que vous parlez a- une dame, messire de Vignolles ? Quel langage, en verite !

Le nouveau venu avait un aspect etrange qui residait moins dans la somptuosite de son costume, insolite pourtant dans ce decor guerrier, que dans son visage. Une courte barbe, bleue a force d'etre noire, cernait etroitement une face aux traits nobles mais au teint pale, presque cireux, et qui eut ete belle sans le pli cruel de la bouche sensuelle et sans l'eclat froid d'un regard charbonneux. Les yeux du personnage ne cillaient jamais, ce qui leur conferait une fixite inquietante, et Catherine frissonna sous leur poids. Elle avait immediatement reconnu l'arrivant ; c'etait Gilles de Rais, marechal de France depuis le sacre royal. C'etait l'homme qui, une nuit, avait tente d'escalader sa fenetre, a Orleans, et avec qui Arnaud s'etait battu. Elle repondit d'un signe de tete au profond salut qu'il lui adressait et qui fit trainer dans la poussiere les longues manches de ses huques de soie violette brodees d'or.

— Messire de Vignolles a toutes les excuses du monde, dit-elle doucement. J'ai si peu l'air d'une dame, faite comme me voila ! Bien plutot d'une paysanne, ou d'une fugitive.

L'arrivee de Gilles de Rais avait fait tomber la colere de La Hire.

— Je me suis laisse emporter, bougonna-t-il. Pardonnez-moi, dame Catherine. Je n'ai pas voulu vous offenser. Voyez-vous, j'aime Montsalvy comme s'il etait mon fils.

— Alors, s'ecria Catherine passionnement, aidez- moi a le retrouver. Envoyez a sa recherche, a son secours peut-etre...

— Qu'est-il arrive au valeureux Montsalvy ? demanda negligemment Gilles de Rais sans quitter des yeux Catherine que ce regard insistant commencait a mettre mal a l'aise.

Il fallut bien que La Hire s'executat et mit le haut seigneur au courant du drame de Rouen ainsi que de la disparition d'Arnaud. Comme Catherine, tout a l'heure, il raconta le proces de Jehanne d'Arc, sa condamnation, pour sorcellerie, par le tribunal ecclesiastique de l'eveque Cauchon vendu au comte de Warwick et au cardinal de Winchester, sa mort enfin dans les flammes du bucher. Il le fit de mauvaise grace car aucune amitie n'existait entre les deux hommes. La Hire etait beaucoup plus age que Gilles de Rais, mais, surtout, une insurmontable aversion l'eloignait du fastueux Angevin. Il se mefiait, instinctivement, de ce cousin du tortueux La Tremoille auquel il ne pardonnait pas l'inertie, apparemment inexplicable, avec laquelle Charles VII avait laisse mourir la Pucelle. Le capitaine en attribuait tout le merite aux mauvais conseils et a la jalousie de Georges de La Tremoille et, en cela, il ne se trompait pas.

— Ainsi, Jehanne est morte ! fit sombrement Gilles de Rais. Celle que nous avions crue un ange n'etait tout compte fait qu'une fille comme les autres ! On l'a brulee comme sorciere et sorciere, sans doute, elle etait ! Dieu ne nous maudira-t-il pas d'avoir suivi cette mauvaise bergere ?...

A mesure qu'il parlait, son visage se transformait et Catherine, stupefaite, put voir la peur s'y inscrire peu a peu, une peur superstitieuse et amollissante, s?ur jumelle de celle qu'elle avait lue sur le visage de Philippe de Bourgogne, devant Compiegne, lorsqu'elle lui avait demande de liberer Jehanne. La terreur de la damnation, l'antique effroi de Satan et du sorcier, son serviteur ! Le grand seigneur, le guerrier sans peur disparaissaient, d'un seul coup, laissant seulement, a nu, l'homme aux prises avec la vieille peur ancestrale venue du fond des ages, l'angoisse de l'incomprehensible, nee de l'humus des noires forets druidiques sous l'eternelle menace des barbares dieux du sang.

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