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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 49


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— Voila vos vetements et votre aumoniere. Je les ai trouves dans votre chambre... a defaut d'un cadavre qui, heureusement, etait encore bien vivant ! Habillez-vous vite !

Catherine ne se le fit pas dire deux fois. Se glissant dans un renfoncement obscur de la cour, elle se hata de passer ses vetements de voyage, boucla son aumoniere a sa ceinture non sans s'etre assuree, auparavant, que sa dague et l'emeraude de la reine s'y trouvaient toujours. Quand elle rejoignit ses compagnons, elle constata que Tomas avait disparu et que Josse n'etait plus la. Elle interrogea Gauthier qui, placidement, les bras croises, regardait les sauveteurs poursuivre leur lutte contre le feu. L'incendie, pris a temps sans doute, etait deja presque maitrise.

— Ou est Josse ?

— A l'ecurie. Il prepare les chevaux. Don Alonso, hier soir, avait donne des ordres a ce sujet.

En effet, l'ancien truand revenait, tirant apres lui trois chevaux tout harnaches et une mule portant des sacs qui devaient contenir des vivres et des vetements. L'archeveque avait pense a tout... Aussi Catherine s'insurgea-t-elle quand Gauthier voulut l'aider a se mettre en selle.

— Qu'est-ce que tu imagines ? Que je partirai ainsi, comme une voleuse, sans meme savoir si notre hote est indemne ?

— Il ne vous en voudra pas. Et, decidement, vous n'etes guere en surete ici. J'ai appris la tentative dont vous aviez failli etre la victime, continua Gauthier, mais Catherine lui coupa brutalement la parole.

Son regard violet s'enflamma de colere en se posant alternativement sur les deux hommes.

— Apparemment, vous vous etes deja mis d'accord pour me dicter ma conduite, tous les deux. Il n'y a pourtant pas longtemps que vous avez fait reellement connaissance !

— Les natures comme les notres se reconnaissent tres vite, fit Josse, suave. Nous sommes faits pour nous entendre !

— En tout cas, quand il s'agira de votre securite, ajouta Gauthier, nous nous entendrons toujours. Vous n'etes pas tres prudente, dame Catherine...

Il y avait un reproche subtil sous les paroles de Gauthier, et plus encore dans son regard. Malgre elle, Catherine detourna la tete, saisie d'un regret plus cuisant qu'elle n'aurait cru. Oui, il lui reprochait d'avoir mis entre eux des souvenirs qui n'auraient jamais du quitter le domaine du reve. Les choses etaient differentes maintenant, quelle que puisse etre leur volonte de les ramener a l'ancien etat de fait. Les baisers et les gestes de l'amour laissent parfois dans l'ame des sillons aussi cruels, aussi ineffacables que ceux du fer rouge dans la peau d'un homme.

— Est-ce bien a toi de me le reprocher ? murmura-t-elle amerement.

Puis, changeant de ton instantanement :

— Quoi qu'il en soit, je ne partirai pas sans avoir dit adieu a don Alonso !

Sans plus s'occuper des deux hommes, elle se dirigea d'un pas vif vers la porte cintree qui menait chez l'archeveque. Les esclaves l'avaient liberee car, maintenant, l'incendie etait eteint. Seules quelques fumerolles noires montaient encore des ouvertures et une desagreable odeur de brule emplissait l'air matinal.

Le jour se levait, tres vite comme dans tous les pays du Sud. La nuit disparaissait d'un seul coup comme une housse sombre soudainement arrachee de la terre par quelque mysterieuse et celeste menagere, le ciel se parait de tous les roses, de tous les ors de l'aurore et le chateau rutilait comme un enorme rubis dans cette aube de perle rose. Dans le logis, on entendait encore des cris, des allees et venues, et Catherine hesita un instant au seuil deserte par les sentinelles. Comment se faire comprendre de tous ces gens dont elle ne parlait pas la langue ? Elle allait se detourner pour appeler Josse et l'inviter a la suivre chez don Alonso quand une haute silhouette noire se dressa soudain devant elle. Malgre son empire sur elle-meme, la jeune femme recula, saisie de cette surprise superstitieuse qui lui venait toujours lorsqu'elle se trouvait en face de Fray Ignacio.

Le moine borgne la considera sans etonnement, s'inclina brievement.

— Je suis heureux de vous rencontrer, noble dame ! J'allais me rendre aupres de vous. Sa Grandeur m'envoie.

Une brusque angoisse serra la gorge de Catherine. Elle leva sur le moine des yeux ou le desespoir se melait a la peur.

— Vous... vous parlez donc notre langue ?

— Quand il le faut, quand il est necessaire, je parle en effet votre langue... comme je parle egalement l'anglais, l'allemand et l'italien !

Catherine sentit d'un seul coup ses doutes et ses terreurs revenir.

Garin, lui aussi, parlait plusieurs langues etrangeres... Et cette incertitude intolerable revenait, elle aussi. Elle se traduisit, chez la jeune femme, en une colere brutale.

— Pourquoi, alors, avez-vous feint de ne point me comprendre, l'autre jour, dans la chambre du Tresor ?

— Parce que ce n'etait pas necessaire ! Et parce que je ne comprenais pas ce que vous vouliez dire...

— En etes-vous tellement certain ?

Oh ! dechiffrer l'enigme de ce visage ferme, de cet ?il unique dont le regard refusait le sien et allait se perdre, par-dessus sa tete, dans les profondeurs de la cour ! Arracher a ce fantome sa verite profonde !...

En l'entendant parler francais, Catherine avait cherche a retrouver les intonations de Garin, la voix de Garin... et il lui etait impossible de dire si c'etait la meme voix ou bien une autre !... Maintenant, elle l'entendait lui apprendre que don Alonso avait ete legerement blesse par la chute d'une colonnette de cedre, que son medecin maure lui avait donne un puissant somnifere pour qu'il reposat en paix, mais qu'avant de s'endormir il avait ordonne a Fray Ignacio de s'assurer que Catherine etait indemne, et de veiller en personne a ce que le depart prevu de la jeune femme ne subit pas de retard du fait de l'incendie nocturne et s'effectuat comme si don Alonso en personne avait pu y presider.

— Don Alonso vous prie seulement de garder son souvenir dans votre c?ur, noble dame... et de prier pour lui comme il priera pour vous !

Une soudaine bouffee d'orgueil redressa Catherine. Si cet homme etait Garin, s'il jouait un role, il le jouait superieurement. Elle ne voulut pas etre en reste avec lui.

— Dites a Sa Grandeur que je n'y manquerai pas et que jamais le souvenir de ses bontes ne me quittera. Dites-lui aussi combien je lui suis reconnaissante de l'aide qu'elle m'a donnee et aussi que je la remercie de ses prieres, car, dans les lieux ou je me rends, le peril sera constant !...

Elle s'arreta un instant, regardant fixement le moine noir. Rien !

Pas un tressaillement ! Il semblait fait de pierre, insensible au moindre sentiment, a la plus simple compassion, se contentant, une fois encore, de s'incliner silencieusement.

— Quant a vous... reprit Catherine d'une voix que la colere faisait trembler.

Mais elle n'alla pas plus loin. Comme il s'etait interpose tout a l'heure entre Tomas et le couteau de Josse, Gauthier intervint en posant sa main sur l'epaule de la jeune femme.

— N'en dites pas davantage, dame Catherine. Souvenez-vous de ce que je vous ai dit ! Venez ! Il est temps de partir !

Cette fois, elle subit son autorite. Docilement, elle se detourna, rejoignit le groupe que formaient Josse et les

betes, se laissa mettre en selle sans un mot et se dirigea vers la porterie. Au moment de franchir la herse relevee, elle se retourna, mais ce fut pour trouver, juste derriere elle, les larges epaules du Normand qui bouchaient presque toute la vue.

— Ne vous retournez pas ! ordonna-t-il durement. Vous devez aller votre chemin, droit devant vous... et sans jamais plus vous retourner !

Souvenez-vous de ce que je vous ai dit : devant votre Dieu et devant les hommes vous etes la femme d'Arnaud de Montsalvy ! Oubliez tout le reste !

De nouveau, elle obeit, regarda, au-dela de l'ogive rouge, le profil aride et magnifique du plateau, mais, derriere l'epaule de Gauthier, elle avait tout de meme apercu la forme noire du moine, debout a l'endroit ou elle l'avait laisse, les mains au fond de ses manches.

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