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Les Voyages De Gulliver - Swift Jonathan - Страница 44


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Lorsque le diner fut fini, le maitre cheval me prit en particulier, et, par des signes joints a quelques mots, me fit entendre la peine qu’il ressentait de voir que je ne mangeais point, et que je ne trouvais rien qui fut de mon gout. Hlunnh, dans leur langue, signifie de l’avoine. Je prononcai ce mot deux ou trois fois; car, quoique j’eusse d’abord refuse l’avoine qui m’avait ete offerte, cependant, apres y avoir reflechi, je jugeai que je pouvais m’en faire une sorte de nourriture en la melant avec du lait, et que cela me sustenterait jusqu’a ce que je trouvasse l’occasion de m’echapper et que je rencontrasse des creatures de mon espece. Aussitot le cheval donna ordre a une servante, qui etait une jolie jument blanche, de m’apporter une bonne quantite d’avoine dans un plat de bois. Je fis rotir cette avoine comme je pus, ensuite je la frottai jusqu’a ce que je lui eusse fait perdre son ecorce, puis je tachai de la vanner; je me remis apres cela a l’ecraser entre deux pierres; je pris de l’eau, et j’en fis une espece de gateau que je fis cuire et mangeai tout chaud en le trempant dans du lait.

Ce fut d’abord pour moi un mets tres insipide, quoique ce soit une nourriture ordinaire en plusieurs endroits de l’Europe; mais je m’y accoutumai avec le temps, et, m’etant trouve dans ma vie reduit a des etats facheux, ce n’etait pas la premiere fois que j’avais eprouve qu’il faut peu de chose pour contenter les besoins de la nature, et que le corps se fait a tout. J’observerai ici que, tant que je fus dans ce pays des chevaux, je n’eus pas la moindre indisposition. Quelquefois, il est vrai, j’allais a la chasse des lapins et des oiseaux, que je prenais avec des filets de cheveux de yahou; quelquefois je cueillais des herbes, que je faisais bouillir ou que je mangeais en salade, et, de temps en temps, je faisais du beurre. Ce qui me causa beaucoup de peine d’abord fut de manquer de sel; mais je m’accoutumai a m’en passer; d’ou je conclus que l’usage du sel est l’effet de notre intemperance et n’a ete produit que pour exciter a boire; car il est a remarquer que l’homme est le seul animal qui mele du sel dans ce qu’il mange. Pour moi, quand j’eus quitte ce pays, j’eus beaucoup de peine a en reprendre le gout.

C’est assez parler, je crois, de ma nourriture. Si je m’etendais pourtant au long sur ce sujet, je ne ferais, ce me semble, que ce que font, dans leurs relations, la plupart des voyageurs, qui s’imaginent qu’il importe fort au lecteur de savoir s’ils ont fait bonne chere ou non.

Quoi qu’il en soit, j’ai cru que ce detail succinct de ma nourriture etait necessaire pour empecher le monde de s’imaginer qu’il m’a ete impossible de subsister pendant trois ans dans un tel pays et parmi de tels habitants.

Sur le soir, le maitre cheval me fit donner une chambre a six pas de la maison et separee du quartier des yahous. J’y etendis quelques bottes de paille et me couvris de mes habits, en sorte que j’y passai la nuit fort bien et y dormis tranquillement. Mais je fus bien mieux dans la suite, comme le lecteur verra ci-apres, lorsque je parlerai de ma maniere de vivre en ce pays-la.

Chapitre III

L’auteur s’applique a bien apprendre la langue, et le Houyhnhnm son maitre s’applique a la lui enseigner. Plusieurs Houyhnhnms viennent voir l’auteur par curiosite. Il fait a son maitre un recit succinct de ses voyages.

Je m’appliquai extremement a apprendre la langue, que le Houyhnhnm mon maitre (c’est ainsi que je l’appellerai desormais), ses enfants et tous ses domestiques avaient beaucoup d’envie de m’enseigner. Ils me regardaient comme un prodige, et etaient surpris qu’un animal brut eut toutes les manieres et donnat tous les signes naturels d’un animal raisonnable. Je montrais du doigt chaque chose et en demandais le nom, que je retenais dans ma memoire et que je ne manquais pas d’ecrire sur mon petit registre de voyage lorsque j’etais seul. A l’egard de l’accent, je tachais de le prendre en ecoutant attentivement. Mais le bidet alezan m’aida beaucoup.

Il faut avouer que la prononciation de cette langue me parut tres difficile. Les Houyhnhnms parlent en meme temps du nez et de la gorge; et leur langue, egalement nasale et gutturale, approche beaucoup de celle des Allemands, mais est beaucoup plus gracieuse et plus expressive. L’empereur Charles-Quint avait fait cette curieuse observation; aussi disait-il que s’il avait a parler a son cheval, il lui parlerait allemand.

Mon maitre avait tant d’impatience de me voir parler sa langue pour pouvoir s’entretenir avec moi et satisfaire sa curiosite, qu’il employait toutes ses heures de loisir a me donner des lecons et a m’apprendre tous les termes, tous les tours et toutes les finesses de cette langue. Il etait convaincu, comme il me l’a avoue depuis, que j’etais un yahou; mais ma proprete, ma politesse, ma docilite, ma disposition a apprendre, l’etonnaient: il ne pouvait allier ces qualites avec celles d’un yahou, qui est un animal grossier, malpropre et indocile. Mes habits lui causaient aussi beaucoup d’embarras, s’imaginant qu’ils etaient une partie de mon corps: car je ne me deshabillais, le soir, pour me coucher, que lorsque toute la maison etait endormie, et je me levais le matin et m’habillais avant qu’aucun ne fut eveille. Mon maitre avait envie de connaitre de quel pays je venais, ou et comment j’avais acquis cette espece de raison qui paraissait dans toutes mes manieres, et de savoir enfin mon histoire. Il se flattait d’apprendre bientot tout cela, vu le progres que je faisais de jour en jour dans l’intelligence et dans la prononciation de la langue. Pour aider un peu ma memoire, je formai un alphabet de tous les mots que j’avais appris, et j’ecrivis tous ces termes avec l’anglais au-dessous. Dans la suite, je ne fis point difficulte d’ecrire en presence de mon maitre les mots et les phrases qu’il m’apprenait; mais il ne pouvait comprendre ce que je faisais, parce que les Houyhnhnms n’ont aucune idee de l’ecriture.

Enfin, au bout de dix semaines, je me vis en etat d’entendre plusieurs de ses questions, et bientot je fus assez habile pour lui repondre passablement. Une des premieres questions qu’il me fit, lorsqu’il me crut en etat de lui repondre, fut de me demander de quel pays je venais, et comment j’avais appris a contrefaire l’animal raisonnable, n’etant qu’un, yahou: car ces yahous, auxquels il trouvait que je ressemblais par le visage et par les pattes de devant, avaient bien, disait-il, une espece de connaissance, avec des ruses et de la malice, mais ils n’avaient point cette conception et cette docilite qu’il remarquait en moi. Je lui repondis que je venais de fort loin, et que j’avais traverse les mers avec plusieurs autres de mon espece, porte dans un grand batiment de bois; que mes compagnons m’avaient mis a terre sur cette cote et qu’ils m’avaient abandonne. Il me fallut alors joindre au langage plusieurs signes pour me faire entendre. Mon maitre me repliqua qu’il fallait que je me trompasse, et que j’avais dit la chose qui n’etait pas, c’est-a-dire que je mentais. (Les Houyhnhnms, dans leur langue, n’ont point de mot pour exprimer le mensonge ou la faussete.) Il ne pouvait comprendre qu’il y eut des terres au dela des eaux de la mer, et qu’un vil troupeau d’animaux put faire flotter sur cet element un grand batiment de bois et le conduire a leur gre. «A peine, disait-il, un Houyhnhnm en pourrait-il faire autant, et surement il n’en confierait pas la conduite a des yahous

Ce mot houyhnhnm, dans leur langue, signifie cheval, et veut dire selon son etymologie, la perfection de la nature. Je repondis a mon maitre que les expressions me manquaient, mais que, dans quelque temps, je serais en etat de lui dire des choses qui le surprendraient beaucoup. Il exhorta madame la cavale son epouse, messieurs ses enfants le poulain et la jument, et tous ses domestiques a concourir tous avec zele a me perfectionner dans la langue, et tous les jours il y consacrait lui-meme deux ou trois heures.

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