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Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo - Страница 12


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Au meme moment se leva la Tramontane, un vent violent mugissant rageusement qui s’abattit sur le pauvre pendu et le ballotta comme le battant d’une cloche sonnant a toutes volees. Ce terrible balancement lui causait d’horribles douleurs et le n?ud coulant, enserrant de plus en plus sa gorge, l’empechait de respirer.

Peu a peu, sa vue se brouilla. Tout en sentant la mort arriver, il imaginait encore qu’une ame compatissante viendrait le sauver. Et quand, apres avoir longuement attendu et espere, il comprit que personne, vraiment personne ne lui porterait secours, sa pensee se tourna alors vers son pauvre papa et il balbutia tout en agonisant:

– Oh, mon papa a moi! Si tu pouvais etre la!…

Il n’eut pas la force d’en dire plus. Il ferma les yeux, ouvrit la bouche, laissa pendre ses jambes puis, apres un dernier spasme, se figea au bout de sa corde.

Chapitre 16

La jolie fillette aux cheveux bleu-nuit envoie chercher la marionnette, la met au lit et appelle trois medecins pour savoir si elle est morte ou vivante.

Alors que le pauvre Pinocchio, pendu a une branche du Grand Chene par les brigands, semblait plus mort que vif, la jolie fillette aux cheveux bleu-nuit se mit de nouveau a sa fenetre. En voyant ce malheureux suspendu par le cou que le vent du nord faisait danser au bout de sa corde, elle fut prise de pitie et frappa dans ses mains trois fois.

On entendit alors un grand bruissement d’ailes battant l’air avec fougue et un Faucon de belle taille vint se poser sur le rebord de la fenetre.

– Quels sont les ordres de ma gracieuse Fee? – demanda le Faucon en inclinant respectueusement son bec.

Il faut savoir que la fillette aux cheveux bleus etait, en fait, une bonne Fee vivant dans ce bois depuis plus de mille ans.

– Tu vois cette marionnette pendue a une branche du Grand Chene? – dit la Fee.

– Je la vois.

– Alors, vole immediatement jusqu’a elle, sers-toi de ton solide bec pour defaire le n?ud qui la retient en l’air et couche-la delicatement sur l’herbe, au pied du chene.

Le Faucon s’envola. Deux minutes plus tard, il etait de retour:

– Vos ordres ont ete executes.

– Et comment l’as-tu trouvee? Est-elle morte ou vivante?

– A premiere vue, la marionnette paraissait sans vie, mais elle ne devait pas etre tout a fait morte car, alors que je brisais le n?ud coulant lui enserrant le cou, je l’ai entendue pousser un soupir et murmurer: «Maintenant, je me sens mieux».

La Fee frappa dans ses mains deux fois et, cette fois, apparut un magnifique Caniche qui marchait droit sur ses deux pattes de derriere, comme s’il etait un humain.

Le Caniche etait habille comme un cocher ayant revetu sa livree de gala. Il portait une coiffe a trois pointes bordee d’or, une perruque blanche dont les boucles lui tombaient sur les epaules, une veste couleur chocolat avec des boutons qui brillaient et deux grandes poches pour y mettre les os que lui donnait sa patronne, un pantalon court en velours rouge vif, des bas de soie, des souliers decoupes et, dans le dos, une sorte de fourreau en satin bleu pour y abriter sa queue quand le temps tournait a la pluie.

– Allez, Medor, du courage! – lui dit la Fee. Fais atteler tout de suite le plus beau carrosse de mon ecurie et dirige-toi vers le bois. Arrive sous le Grand Chene, tu trouveras une marionnette a moitie morte etendue sur l’herbe. Prends-la delicatement, pose-la en faisant tres attention sur les coussins du carrosse et amene-la-moi. Tu as compris?

Le Caniche, pour montrer qu’il avait bien compris, remua le fourreau de satin bleu qu’il avait dans le dos et detala comme un cheval barbe.

Peu de temps apres, on vit sortir de l’ecurie un joli petit carrosse bleu-ciel, entierement capitonne de plumes de canaris et, a l’interieur, matelasse avec de la creme fouettee et des biscuits a la cuiller. Le carrosse etait tire par un attelage de deux cents petites souris blanches. Assis sur le siege du cocher, le Caniche faisait claquer son fouet, tel un postillon ayant peur d’etre en retard.

Il ne s’etait pas ecoule un quart d’heure que le carrosse revenait. La Fee, qui attendait a la porte de la maison, prit par le cou la pauvre marionnette, la porta jusque dans une petite chambre aux murs de nacre puis fit appeler les plus fameux medecins du voisinage.

Les medecins arriverent l’un apres l’autre. Il y avait un Corbeau, une Chouette et un Grillon-qui-parle. Les ayant reunis autour du lit ou gisait Pinocchio, la Fee leur demanda:

– Je souhaiterais que vous me disiez, messieurs, si cette malheureuse marionnette est morte ou vivante.

Le Corbeau fut le premier a s’avancer. Il prit le pouls de Pinocchio, lui tata le nez, le petit orteil et, apres avoir soigneusement accompli son examen, declara solennellement:

– A mon avis, cette marionnette est bel et bien morte. Pourtant, si par hasard elle n’etait pas morte, alors on pourrait dire sans hesitation possible qu’elle est toujours vivante!

– Je regrette – repliqua la Chouette – de devoir contredire mon illustre ami et collegue le Corbeau mais, selon moi, bien au contraire, la marionnette est vivante. Evidemment, si par mesaventure elle n’etait pas vivante, ce serait alors le signe indiscutable qu’elle est morte!

– Et vous? Vous ne dites rien? – demanda la Fee au Grillon-qui-parle.

– Moi je dis que la meilleure chose que puisse faire un medecin qui ne sait pas de quoi il parle serait qu’il se taise. Du reste, cette marionnette ne m’est pas inconnue. Je la connais meme depuis longtemps!…

Pinocchio qui, jusque la, etait reste aussi inerte qu’un bout de bois, eut une sorte de fremissement convulsif qui ebranla le lit.

– Cette marionnette – continua le Grillon-qui-parle – est un fieffe coquin.

Pinocchio ouvrit les yeux mais les referma aussitot.

– C’est un polisson, un paresseux et un vagabond.

Pinocchio enfouit sa tete sous les draps.

– De plus, c’est un enfant desobeissant qui fera mourir de chagrin son pauvre pere.

On entendit alors quelqu’un sangloter. Imaginez la surprise de l’assistance quand, soulevant les draps, on comprit que c’etait Pinocchio qui pleurait.

– Quand un mort pleure, cela signifie qu’il va guerir – declara alors le Corbeau avec solennite.

– Je deplore de devoir contredire encore mon illustre ami et collegue – intervint la Chouette – mais, pour moi, quand un mort pleure, cela veut dire qu’il lui deplait d’etre mort.

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